Un voyage humanitaire, synonyme d’un voyage solidaire ?

03 Oct 2023 -
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Depuis quelques années, une nouvelle forme de voyage s'est considérablement développée : le "tourisme humanitaire" ou "volontourisme".

Il s’agit d’une forme de voyage qui offre aux personnes désireuses de s’engager pour une cause la possibilité de découvrir de nouveaux horizons tout en aidant les communautés locales. S’agit-il d’une véritable alternative au voyage classique ? Les termes « voyage solidaire » et « voyage humanitaire » désignent-ils la même chose ? On pourrait arriver à le confondre, pourtant, ils reflètent des réalités très différentes.

 

Volontourisme/ Tourisme bénévole : une tendance émergente du voyage

 

À partir des années 1990, de nombreux opérateurs à but lucratif se sont intéressés aux organisations d’accueil bénévoles afin d’accroître leur attrait pour les touristes potentiels. C’est le début de la « commercialisation du bénévolat », une relation inégale qui impose une approche commerciale des projets sociaux en tant que biens et services prêts à être vendus.

Il existe un large éventail d’emplois auxquels les voyageurs sont conviés, la plupart d’entre eux étant liés à l’agriculture, à la santé, à l’éducation, à la garde d’enfants, aux soins des animaux et à d’autres domaines. Toutefois, mélanger tourisme et bénévolat est source de graves dérives : renforcement des inégalités, piètre qualité des prestations, détournement des fonds et distorsion du marché du travail local et bien d’autres.

Le volontariat/ bénévolat nécessitent une organisation et des compétences spécifiques. Les missions d’aide humanitaire s’adressent principalement à des professionnels de l’humanitaire (médecins urgentistes, logisticiens, chefs de missions, personnel technique, etc…) et exigent des compétences particulières que ne peut proposer n’importe quel touriste.

 

Comment le volontourisme peut avoir un impact négatif sur les communautés locales ?

 

Alors que le volontourisme prend sa place dans le contexte mondial, les répercussions négatives de son introduction deviennent de plus en plus considérables.

  • Risques de faible qualification requise

Très souvent, on demande aux touristes volontaires d’avoir peu ou pas de qualification pour développer leurs missions. A titre d’exemple, on peut citer des situations telles que les missions de construction de structures, effectuées par des non-professionnels, qui représentent un niveau de risque très élevé en termes de sûreté et de sécurité. Dans le domaine de l’éducation, on peut voir comment des personnes sans expérience enseignent des matières qu’elles ne maîtrisent pas et pour lesquelles elles ne sont pas qualifiées sur le plan pédagogique. D’autres dérives extrêmes vont à la maltraitance de personnes vulnérables dans le cas d’interventions médicales ou mauvais traitements effectuées par des personnes non qualifiées.

  • Réduction du travail pour les habitants.

Il s’agit d’une contrainte économique et sociale qui rend la population locale dépendante des voyageurs. Par exemple, la création d’un système d’irrigation par des étrangers non qualifiés (faible qualification requise) peut se traduire non seulement par une construction de mauvaise qualité mais aussi par la perte d’une occasion de contribuer à l’économie locale en embauchant un travailleur local, une action qui aurait un impact plus pérenne.

  • La misère comme attraction touristique

Des cas mettant la vie en danger comme la traite des êtres humains ont été révélés, comme la création de « faux orphelinats », notamment au Cambodge et au Népal. Certaines offres de volontourisme deviennent une « attraction » pour introduire aux nouveaux visiteurs, où les populations locales sont même obligées de laisser leurs enfants dans des orphelinats ou d’avoir d’enfants pour remplir la structure.

  • Dynamique de domination

Renforcer les relations de pouvoir inégales et les stéréotypes culturels entre les touristes et les habitants n’a rien à voir avec la solidarité. Les relations proposées dans le « voyages humanitaires » perpétuent l’idée de la primauté de certains pays sur d’autres et peut renforcer les notions d’injustice et d’acculturation de la population autochtone.

Un modèle basé sur la dépendance et des relations inéquitables nuit aux capacités, aux ressources et aux connaissances des populations locales, n’apporte pas au développement et ne reconnaît pas les besoins réels du territoire.

  • Terminologie trompeuse

De nombreuses agences de voyage déguisées en « organisations humanitaires » trompent les touristes pour les convaincre de voyager. Elles utilisent des concepts fallacieux qui leur permettent de contourner les codes du commerce et d’échapper aux taxes.  Certaines vont même jusqu’à frauder en proposant une défiscalisation de l’achat de voyages touristiques en considérant à tort leur paiement comme un don à une association.

 

Quelles différences avec les voyages solidaires ?

 

La solidarité est la reconnaissance, le respect, l’échange et l’engagement mutuel pour construire et avancer ensemble dans le but d’améliorer les conditions de vie et d’épanouissement de l’autre.

Pour les opérateurs touristiques de l’Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire, il s’agit d’une vision très différente, dans laquelle voyageurs et populations locales se rencontrent et échangent, mais sans échanger leurs places, dans une relation économique négociée de manière équilibrée et clarifiée.

L’ATES considère que la solidarité passe par le financement d’un fonds de développement (au minimum 3% du prix du séjour) destiné à soutenir des projets collectifs gérés et décidés localement, répondant à l’intérêt collectif, un des engagements historiques du commerce équitable. Ce sont ces bases qui permettent de créer de vrais rapports authentiques et égalitaires entre les voyageurs et leurs hôtes, soutenir des initiatives locales et faire du tourisme un levier de développement.

 

 

 

Que puis-je faire en tant que voyageur ?

 

La première étape est de vous informer, si vous avez lu jusqu’ici, vous faites un excellent travail !

La deuxième étape consiste à vous poser quelques questions si vous envisagez de faire un « voyage humanitaire » : suis-je qualifié pour effectuer ce type de travail ? La population locale aurait-elle pu effectuer le travail à ma place ? Ma contribution aura-t-elle un impact positif sur la population à long terme ? L’organisation proposant le projet est-elle claire quant à son intérêt à proposer ce type de travail ? S’agit-il d’un projet de volontariat ou de voyage ?

Une fois que vous avez décidé si vous souhaitez voyager ou faire du bénévolat, une troisième étape est de trouver des alternatives qui correspondent mieux à vos valeurs. Si vous décidez voyager, il existe des agences qui proposent différentes expériences de tourisme solidaire, notamment les membres de l’ATES qui, dans le cadre du label Tourisme Equitable ®, répondent à des critères exigeants sur le financement des projets de développement identifiés et menés par la population locale, l’accompagnement et suivi sur le long terme, l’implication des voyageurs à travers le financement d’un fonds de développement et l’évaluation constante d’impacts du projet.

Il est indispensable de rappeler que l’idée du tourisme solidaire est de fournir un appui économique aux communautés qui va au-delà du tourisme classique. Il est presque de notre devoir de dénoncer les pratiques néfastes du tourisme qui nuisent aux populations et de faire entendre notre voix contre elles. Vous pouvez découvrir des initiatives dénonçant l’impact du volontourisme telles que le compte Instagram Barbie Savior ou le compte Instagram No white saviors.

Enfin, il est impératif de d’analyser chaque projet à l’envers.  Permettriez-vous à des étrangers non formés de construire l’école de vos enfants ?   Que diriez-vous si les gens improvisaient eux-mêmes en tant qu’enseignants et effectuaient votre travail gratuitement ?

N’oubliez pas que le voyage peut être un levier de développement pour les populations, le choix des acteurs et la compréhension de son impact est indispensable pour mener une activité plus respectueuse et engagée avec le développement des populations partout dans le monde.

 

 

> Pour aller plus loin, lire l’article de France Volontaires 

> Pour aller plus loin, lire l’article de Grandir Aventure